La première occurrence que je connaisse du mot date de 1455 en Anjou, à Grattecuisse. Elle est donnée par M. Le Mené (Les campagnes angevines à la fin du Moyen Age, 1982 ; voir ici texte 11) :
« ont esté veues les vignes en bon labeur […] en seppaiges de bordelais »
Puis, un long silence documentaire dure jusqu’au début du 18e siècle car le terme est absent chez Liébault (Maison rustique …) , Serres (Théâtre d’Agriculture…) etc, qui emploient les mots plants ou raisins, comme à Chenonceau (texte 2).
La réapparition est éloquente, en deux temps, sous la plume du même auteur, Jacques Boullay, pour l’Orléanais, au début du 18e siècle :
En 1712, dans Manière de bien cultiver la Vigne dans le Vignoble d’Orléans, Seconde édition. Beaucoup plus ample et plus exacte que la précédente
l‘ouvrage est conclu par un glossaire intitulé
TABLE pour l’Intelligence de quelques Mots que tout le monde n’est pas obligé d’entendre
extraits
– Plant, C’est le Sarment qu’on lève sur les Seps de Vigne, pour en faire de la Plante ; il y en a de deux sortes …
– Sep de Vigne et pied de Vigne, sont la même chose.
– Sapage ou Sépage, c’est l’espèce de chaque Vigne.
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En 1739, dans Manière de bien cultiver la vigne, de faire la vendange et le vin dans tous les vignobles, quatrième édition,
le glossaire est alors intitulé
EXPLICATION des mots et termes qui sont en usage pour la culture de la Vigne
extraits
– Ça. Voyez Cep
– Cep. Le pied de la Vigne, ou le cep, sont la même chose. Les Vignerons accoutumés à estropier la plûpart des mots, disent par corruption ça de Vignes ; mais ce terme ne vaut rien du tout ; on n’en peut pas donner d’étimologie, au lieu que celle de cep se trouve dans la Vie des Abbés de S. Albans, pag.101 col 2. imprimée à Paris en 1644. traduite par Mathieu Paris qui, par le mot de ceppagia entend cep, ou souches de toutes sortes d’arbres. Cet Auteur fleurissoit en 1145.
– Cépage. Jusqu’à present je n’ai jamais entendu dire en ce pays autrement que çapage ; mais il est aisé de voir que ce mot est corrompu et qu’il ne vient que des Vignerons ; car puisqu’au lieu de cep ils disent ça ; ils prononcent aussi çapage au lieu de cepage. Ce dernier mot est constamment le meilleur, comme on le peut voir par l’étimologie que j’en viens de doner ci-dessus sur le mot cep. Les differens cepages sont les differentes especes de Vignes.
– Plant ou Crossette. Le sarment qu’on lève de dessus la Vigne pour le planter ou l’entre-planter dans des Vignes où il y a du vuide, est du plant.
Ces trois mentions apparaissent, à divers titres, issues de la langue technique des vignerons. La première est un acte de la pratique qui fait référence à une parcelle particulière. J. Boullay se réfère au parler des vignerons qu’il rend responsables de ses propres erreurs … les jugements de l’abbé Boullay sur les vignerons sont un autre sujet …
Les occurrences sont donc rares (il doit néanmoins en exister d’autres). Elles n’apparaissent pas sous ce sens dans les textes qui ont servi d’exemples pour la rédaction des dictionnaires d’ancien ou de moyen français (Dictionnaire Godefroy …). Cépage fait alors référence à des droits, ou au feuillage et au branchage de la vigne, et non pas à une « espèce » de plant ou de raisin.
A partir de la fin du 18e siècle, le mot est repris par les savants. Il s’impose peu à peu, jusqu’à devenir quasi exclusif au milieu du 19e siècle avec Odart (voir texte 2). Il est alors substitué systématiquement à raisin et très souvent à plant.