Il faut prêter une attention soutenue aux textes anciens pour distinguer vin d’Arbois et cépage ‘Orbois B’ …
En effet, jusqu’à une date très récente Arbois désignait deux choses :
– un vin du Jura, le vin d’Arbois dénommé du nom de la ville et
– un cépage du Val de Loire, que l’on dénommait aussi Menu pineau ou Verdet.
Vin d’Arbois
François 1er en était amateur :
– En 1533, il fait venir « quelques pièces de vin d’Arbois pour la réception du pape à Nice » »
– En 1538, il fait « porter à Lyon, Moulin, Paris et Fontainebleau soixante pièces de vin blanc d’Arbois »
– En 1539, il fait « porter une certaine quantité de vin du cru d’Arbois »
– En 1541, ce sont « cinquante pièces de vin blanc d’Arbois » qui sont conduites à Paris et à Fontainebleau
– En 1578, Jean Liébault mentionne parmi les vins blancs « dont nous usons à Paris » ceux qui « nous sont apportez d’Arbois » …
– Enfin, pour conclure, Olivier de Serres en 1600, à propos de l’excellence des vins du royaume de France, mentionne, entre d’autres, les « friands Vins-clerets d’Arbois … »
Le vin blanc d’Arbois était très certainement issu du cépage ‘Savagnin B’ même si le nom du cultivar n’apparaît pas. Le vin clairet d’Olivier de Serres peut être issu de divers cépages comme le Pinot ou le Trousseau …
Plant d’Arbois
– En 1534, François 1er fait acheter 160 milliers de ceps d’Espagne et d’Arbois destinés aux vignes qu’il fait planter à Fontainebleau
– De 1547 à 1557, les vignes du château de Chenonceau dans la Vallée du Cher comportent un cépage blanc nommé à de très nombreuses reprises Herboys puis Herbois
– Avant 1553, Rabelais mentionne « un grand vignoble faict de toutes especes de vignes comme … Arbois » ( parmi d’autres)
– Il faut attendre l’enquête préfectorale de 1804 pour trouver mention à plusieurs reprises de l’arbois dans les vignes du Loir-et Cher.
– En 1854, Odart écrit à propos des cépages de la Vallée de la Loire : « Une autre variété, bien plus recommandable, est le PINOT VERDET ou simplement VERDET dans nos vignobles [Indre-et-Loire]. Dans le Loir-et-Cher il porte le nom de ORBOIS ou ARBOIS, quoique je ne croie pas que ce cépage nous soit venu du Jura et même qu’il y soit cultivé. »
Les mentions qui concernent Chenonceau et le Loir-et-Cher sont sans ambiguïté. Il s’agit bien du cépage Orbois. Il en va vraisemblablement de même pour Rabelais qui cite divers plants au sens de cépages mais le doute demeure du fait de l’ambiguïté de l’acte de François 1er : s’agissait-il, à Fontainebleau, de plants de savagnin qui donnait le vin d’Arbois ou de plants d’arbois/herbois/orbois introduits depuis le Val de Loire ?
Ce court inventaire montre que seul le contexte permet de faire (et pas toujours) la distinction entre vin d’Arbois, cru jurassien le plus souvent blanc et Plant d’Arbois, ligérien, toujours blanc. La renommée du vin du Jura, notamment au 16e siècle, a conduit à de nombreuses erreurs d’interprétation par l’assimilation vin/cépage
Pour ma part, je ne sais trancher à propos des plants d’arbois que François 1er fit introduire à Fontainebleau en 1534 : Ligériens ou Jurassiens ? Le contexte ne permet pas de trancher.
Arbois, Herbois, Orbois sont des variantes d’un même mot signifiant vert comme l’herbe, ce qui est une particularité du pédoncule à maturité et explique le synonyme verdet selon Pierre Galet.
En savoir plus :
articles 2, 3, 5, 11, 18, 23, 32, 42
Et
Les cépages du département du Loir-et-Cher en 1804
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01427299
Les plants des vignes du château de Chenonceau : Orleans, Beaulne, Anjou, Herbois (1547-1557)
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01292150
Cépages de Loire 