Les Archives départementales d’Indre-et-Loire conservent, sous la cote B44, un document des environs de 1740 dans lequel est mentionnée une treille de Massé doux, à Esvres, en Indre-et-Loire.
Voici l’analyse du document par de C. de Grandmaison, dans l’ Inventaire sommaire publié en 1878, tome 1, p.14 :
B44 (portefeuille, 1718-1740)
Baronnie de Véretz. Commission donnée par Jean Adriansin de Casant, bailli, à Françoise Angot, veuve de Jacques Rouillé bourgeois de Tours, pour découvrir les particuliers qui, par malice, avaient coupé ras de terres, sans les emporter, onze gros ceps d’une treille de Massé doux, chargée de fruits.
Cette treille est sans doute la vigne de la closerie du Roujoux (située entre Beauregard et le barrage actuel à aiguilles de Véretz) mentionnée dans l’acte E151. Communication de M. Michel Le Goff que je remercie.
Dans le texte, il n’est pas question de culture de la vigne mais d’une plainte à la suite d’un acte de malveillance. Le contexte est donc anecdotique. Néanmoins cet acte, qui fait état d’« une treille composée de treize gros seps de Massé doux », sous cette graphie, se révèle être à ce jour la plus ancienne mention connue du lignage orléanais sous son nom alors en usage en Touraine.
Ici la date ne peut être précisée car le document est partiellement tronqué. Il manque l’angle supérieur droit du premier folio où devait se trouver la date. La plaignante; Françoise Angot, était la veuve de Jacques Rouillé dit « le jeune », décédé entre juillet 1734 et, au plus tard, mars 1739, ce qui donne un terminus post quem. La présence de vignes au lieu-dit Roujou(x), mentionnée dans l’acte , se retrouve dans le plan cadastral napoléonien qui indique bien une parcelle de vigne à l’ouest de l’habitation nommée Roujou. Ces éléments extérieurs reconstitués par M. Michel Le Goff, que je remercie de leur communication, localisent la vigne et datent le document des environs de 1740.
Jusqu’ici, massé doux apparaissait sous la graphie macé doux dans l’enquête de Dupré de Saint-Maur en 1783-84, sans localisation. Le nom tourangeau est ensuite utilisé à de nombreuses reprises dans l’enquête préfectorale de 1808. Le cépage est alors presque exclusivement cultivé dans la moitié orientale du département, à l’est de Tours. Dans le Loir-et-Cher, limitrophe, il portait le nom de lignage.
Pour rappel, le nom lignage apparaît, dans les sources écrites, au 15e siècle dans l’Orléanais où il est d’un usage courant au 18e siècle. La culture de cette variété, sous ses deux noms, paraît couvrir la partie du Val qui s’étend entre Orléans et Tours. L’assise spatiale de ce cépage a diminué au cours du 19e siècle pour se limiter au Loir-et-Cher et à l’Indre-et-Loire. Il a disparu à la suite de la crise phylloxérique.
Cette découverte fortuite montre que par la collection de mentions éparses dans des documents originaux, nous remontons peu à peu le fil de l’existence de ces variétés modestes rarement mentionnées et presque jamais nommées. Les actes de justice sont précieux en ce que, même hors contexte viticole, ils ont pour particularité de présenter des énoncés détaillés et précis.
Il a très souvent été question de lignage et de massé doux ici :
Voir les n° 18, 19, 27, 32, 42, 67, 69, 71 et 72