125 – A propos de « cépages rares » en Région Centre-Val de Loire

L’Union pour les Ressources Génétiques de la Région Centre (URGC) s’est donné pour mission de recenser et de mettre en valeur le patrimoine génétique des six départements de la Région Centre-Val de Loire notamment en promouvant des « Trésors Vivants ».
Dans cet esprit, elle a récemment publié sur son site, un « inventaire » des cépages   « rares » et anciens « identifiés » dans la Région :

https://www.tresorsvivantsducentre.com/cepages

Initiative remarquable qui vaut d’être encouragée et soutenue, à l’heure où tous les vignobles sont confrontés à de multiples difficultés qui vont croissant et qui engendrent des réponses variées, parmi lesquelles la création de nouvelles variétés interspécifiques qui, dites résistantes, occupent peu à peu  une place grandissante dans les vignes, à terme au détriment des cépages traditionnels dont un nombre difficile à cerner a disparu de l’encépagement.

Comme une liste de 51 noms de « cépages rares identifiés » est dite « toujours à l’étude » et que les cépages de la Région Centre-Val de Loire s’inscrivent parmi  ceux de Loire que j’étudie et commente dans ce blog depuis 2016, je prends la liberté de quelques commentaires susceptibles de retenir l’attention des auteurs de l’inventaire dans la poursuite de leurs travaux, s’ils jugent mes remarques utiles (les n° en italiques entre parenthèses renvoient à des billets de ce blog). Je consacrerai le prochain billet (126) à des envois pour la collection du Luxembourg à Paris en 1804.

A l’examen de la liste de 51 noms :

1. Constituent probablement des doublons
– de côt (114, 82, 32, 22, 15) : côt d’abondance, côt précoce de Tours, madeleine de côt de même que cep rouge, plus ambigu
– gascon (121) et gascon de l’Orléanais
– teinturier du Cher, teinturier femelle, teinturier mâle, voire les gamays teinturiers pour des cépages à fort potentiel colorant , voire aussi  gros noir (42, 126). Teinturier du cher renvoie aux vignobles de la vallée du Cher en Touraine viticole (Indre&Loire et Loir&Cher et non au département du Cher)
madeleine noire nom collectif attribué à des cépages précoces, souvent de table (126)

– gros blanc de Loir-et-Cher (86) nom collectif pour des cépages productifs ou synonyme de gouais

2 – Des noms tels que confort (blanc ou noir) (74), tendrier (119,116, 62) correspondent probablement souvent à des transcriptions locales de noms de variétés introduites depuis l’extérieur de la région et qui ne sont pas identifiées.
– Il est possible que confort blanc soit parfois un synonyme de pineau ou plant d’Anjou (Chenin) réintroduit depuis l’extérieur.
– De même fié (123,71) est un nom concurrent de sauvignon, un seul cépage  reconnu sous deux formes :  sauvignon blanc et sauvignon gris. Le jaune n’existe pas.
– Même remarque pour grolleau (42,32) gris et noir, un seul cépage, deux formes. Le grolleau blanc n’existe pas, ce nom pouvait faire allusion non au raisin mais au vin obtenu à partir de raisins rouges ou gris (90).

– meslier (42) nom générique qui demande à être précisé : petit meslier, gros meslier / meslier saint-françois, notamment dans les sources anciennes (pré-1900).

pinot blanc vrai est un nom et pas une intra-variété de pinot blanc : lorsque la distinction pinot blanc / chardonnay a été définitivement établie (hors Bourgogne) à la fin du 19e siècle par V. Pulliat, on a déclaré vrai  le pinot blanc enfin distingué du chardonnay (35). Auparavant on trouve aussi des pineaux (blancs) vrais pour distinguer les pinots blancs bourguignons des pineaux de Loire (chenin), pineau sous cette graphie et non pinot.

3.  Disparus des vignes (conservés en collection à Vassal)
– Le nom chevrelin noir, en collection venant de Saumur (Chevrolin)  est attesté une seule fois dans le Cher en 1848, non identifié.
– De même,  pétoin  existe en collection en provenance du Cher, une fois mentionné dans le Cher en 1783, non identifié (120).
– plant de Saint-Aignan,  En collection, reçu de Saint-Aignan en 1960, non identifié. Probablement pas un nom de cépage mais une identification de l’introduction en collection par sa provenance.
teinturier du Cher sous ce nom d’emprunt en Touraine en 1808 (42) ;

4. Non relevés dans les sources et la bibliographie
-gamay Bronze, aucune mention
meslier rose, aucune mention ; meslier noir, nom générique ancien et francilien, a pu concerner le Loiret (gâtine) mais ne distinguait pas un cépage précis.
-orbois rose, aucune mention.

5 – À ma connaissance, ne sont pas, au moins anciennement (avant 1900), attestés dans un vignoble de la Région Centre-Val de Loire, les noms ou cépages suivants :
– chauché (centre-ouest, Poitou) (65,30)
– chouchillon (vallée du Rhône nord)
– colombard (centre-ouest et sud-ouest) n’est pas attesté en Région Centre-Val de Loire  quoique descendant du chenin
croc noir (très rares occurrences en Mayenne). Hors région. (105)
– béquignol noir, cépage répandu du SO, exceptionnellement mentionné sans le sud de l’Indre-et-Loire.
– épinou, nom problématique au sujet duquel  le peu d’information disponible renvoie à l’Auvergne. N’existe qu’en collection. Ascendance inconnue.
– noir fleurien, donné comme cépage auvergnat par les ampélographes.
– persagne, nom de la Mondeuse, cépage du sud-est, Savoie, Dauphiné…
– sacy en Bourgogne, – tressallier en Auvergne (111).
– saint-pierre doré, cépage de l’Allier (26,5).
– montils, cépage des Charentes
canari pour canaril ? canaril, cépage pyrénéen répandu dans le SO et jusqu’en Touraine sous les noms de balzac, bourgogne, cot à queue verte, cot vert, donc difficile à identifier. Essai d’introduction infructueux ?

6 – Cépages non spécifiques à la région car anciennement très répandus
– bicane (71,125) nom générique très répandu en France qui ne désignait pas un cépage particulier mais un type de raisin de table plutôt acide
Les divers gamay, gamay de bouze, gamay fréaux,  gamay de chaudenay ont pu être introduits au 19e siècle, ce sont des gamays teinturiers difficiles à identifier les uns des autres dans les textes anciens car ils sont souvent dits simplement teinturiers.
– gouais blanc extrêmement répandu (102)

7 – Dans la liste proposée, sont anciennement attestés en « Région Centre Val de Loire », sans évoquer les raisins de table

une douzaine de noms/cépages/variétés :
gascon (32), genouillet (96), gouget noir (120,5) (blanc inconnu), grolleau noir-gris (42,32), meslier saint-françois (32), lignage (42,32), orbois (86,42,32) (rose inconnu), pineau d’aunis (32), romorantin (59), sauvignon blanc-gris (125,123,71), teinturier du Cher/gros noir (125), peut-être pétoin (120) ;
si l’on pense « rares » actuellement, pourraient être ajoutés : meunier (42) folle blanche (86,42) ;
auxquels on peut adjoindre, si l’on raisonne « trésors vivants » : chenin, cot, pinot noir-gris-blanc, cabernet franc, sauvignon, gamay, voire chardonnay…
d’autres cépages ont été présents dans le passé sous différents noms : petit meslier, chasselas, tressot, melon ? (aligoté ?) ; divers muscats …

8 –   4 cépages sont attachés aujourd’hui  à un vignoble entièrement situé en Région Centre-Val de Loire, sans (plus) être partagés avec des vignobles aux alentours :
genouillet, lignage (macé doux en Touraine), orbois, romorantin.

Sources
– ce blog et la bibliographie complémentaire mentionnée dans les n°  (en rouge) dans le texte
– La base documentaire citée au n° précédent (124)
– Artozoul J.-P., Baudel J, Bisson J., Durquety M. Guillot R., Lagard P. Levadoux L. – Synonymie ampélographique de l’Ouest viticole français, Annales de l’amélioration des plantes, Annales de l’Inra Hors Série,1960
– Rézeau P., Dictionnaire des noms de cépages de France, 2e éd. 2014
– le blog http://lescepages.free.fr

125 – A propos de « cépages rares » en Région Centre-Val de Loire