130. Chasselas

Ce cépage est devenu rare dans les vignobles ligériens, aussi bien pour la table que pour faire du vin. Il demeure cultivé dans le vignoble de Pouilly-sur-Loire, dans le Nivernais, sur la rive droite de la Loire, selon la géographie administrative en Bourgogne. il est le cépage exclusif de l’AOC Pouilly-sur-Loire. Il est aussi présent en Alsace mais est très rarement vinifié en mono-cépage. Il est très répandu en Suisse.

Un fait donne une idée de l’extraordinaire diffusion de cette variété et donc de sa capacité d’adaptation en raisin de table mais aussi en raisin de cuve. En 1888, Victor Pulliat, ampélographe majeur du 19e siècle, plaçait la date de maturité de chaque cépage en tête des caractères à connaître pour distinguer et qualifier les variétés de vignes cultivées. Pour définir cette date de maturité il écrivait dans l’introduction de son ouvrage  Mille variétés de vignes (p.XIX) : « l’époque de maturité du raisin étant différente suivant la latitude, le climat, le sol et surtout suivant l’année plus ou moins chaude, l’indication de cette maturité par mois et par date nous semble tout à fait défectueuse et inexacte. Nous préférons former cinq séries de maturité ayant pour terme de comparaison une variété de vigne cultivée et connue dans tous les pays viticoles, le Chasselas doré ou Chasselas de Fontainebleau. » Suivent les cinq époques de maturité encore en usage de nos jours, de précoce à tardive.

Ce qui intéresse le propos ici est la propagation sans équivalent du Chasselas dans les vignobles, raison du choix de Victor Pulliat. Parmi les commentaires relevés dans les textes anciens, le cépage apparaît plus souvent pour produire du raisin de table que du raisin de cuve. Aucun autre cépage, à ma connaissance, ne présente conjuguées les deux propriétés recherchées, la capacité à mûrir et à être productif, sous toutes les latitudes. Dans les sources anciennes, le concurrent potentiel qu’étaient, du sud au nord du pays, les variétés du très renommé muscat  pâtissaient, elles, de leur difficulté à mûrir.

Les noms anciens du Chasselas sont à l’image de la diffusion des plants. Sous ce nom, le plant  est censé être arrivé en France au 17e siècle depuis la Suisse romande. Le noms Chasselas viendrait du nom de la localité bourguignonne où un pépiniériste ou un vigneron l’aurait multiplié. Ces étymologies toponymiques se révèlent souvent trompeuses, on l’a vu précédemment pour le nom auxerrois, par exemple.

Pour l’instant, nous sommes dans l’incapacité documentaire de remonter plus haut que le 17e siècle, quoique le nom collectif  muscadet (de muscat) d’usage attesté au 16e siècle (muscadeau, voir le dictionnaire de Pierre Rézeau) ait été appliqué à divers des cépages actuels, comme les muscats, le pinot gris et probablement le chasselas parmi d’autres variétés désignées non pour elles-mêmes, au sens ampélographique, mais pour le produit qui était attendu d’elles, un vin qualifié de musqué.

Fendant, Plant de Lausanne, Valais (et par glissement Valet), Bar-sur-Aube, Blanc de Blois, Languedoc, Bon blanc, Gutedel (bon et noble), Bergère, Gamet blanc, (Plant de) Damas, Mornant et variantes, Muscat Balard, Pied de Chanvre, Cioutat pour une mutation à feuille très découpée (dite persillée), etc. sont une illustration du succès de ce plant ainsi que  des multiples noms qu’il a portés et transportés avec lui dans les déplacements dont il a été l’objet au cours des siècles (ici dans la seule France alors que le cépage a été ou est présent dans de nombreux pays).

130. Chasselas

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